LES EXTRÊMES DROITES EN EUROPE

Publié par Université Populaire de l'Aube / UPOPAUBE

LES EXTRÊMES DROITES EN EUROPE

Dominique Vidal, journaliste et écrivain, spécialiste du Moyen-Orient et des mouvements d’extrême-droite en Europe, était l’invité de l’Université Populaire de l’Aube, le 14 octobre dernier. 130 auditeurs ont suivi cette conférence passionnante à Saint-Parres-aux-Tertres, près de Troyes.

En vrai journaliste d’investigation, le conférencier cite des faits et des statistiques pour démontrer l’implantation progressive et agressive des partis d’extrême droite dans toute l’Europe. « L’absence d’alternative à gauche et les surenchères à droite ont remis en selle, sur fond de crise, ceux des héritiers du fascisme qui ont su ravaler leur façade, pour mieux récupérer les mécontents. » dit-il, en ajoutant plus prosaïquement qu’en France, le parti frontiste attrape et ramasse « tous les cocus de la République ». A l’exception de cas rares, devenir « respectables » est le nouveau credo de ces partis en Europe. Ce nouveau visage (« un lepénisme à visage humain ») se heurte même parfois à leur propre tradition néofasciste qui ne rejetait pas le terme d’extrême-droite comme le réclame Marine Le Pen aujourd’hui.

L’occident, après la chute de l’URSS, n’a plus le communisme comme adversaire. Depuis le 11 septembre 2001, derrière l’islam, il y aurait le terrorisme, nouvel ennemi de notre civilisation judéo-chrétienne. Cette opportunité ouvre un nouveau champ à l’extrême droite qui se trouve un nouveau bouc émissaire : ce n’est plus le Juif, mais l’Arabe. L’islamophobie a chassé l’antisémitisme et Marine Le Pen fréquente Netanyahou sans état d’âme, affirmant que les implantations des colonies israéliennes « sont légitimes sur la terre de leurs ancêtres ». Là encore, le discours islamophobe s’efforce de rester consensuel, porté par le racisme ambiant de l’opinion, qu’ont distillé les médias depuis la guerre d’Algérie. La viande halal, le voile, la laïcité… ces sujets actuels alimentent le feu xénophobe. Le bouc émissaire a changé. Le racisme reste.

La progression européenne de l’extrême-droite est diverse et « résistible ». Elle s’enracine cependant durablement. Leur tactique nouvelle : l’adoption d’un langage inoffensif, flou, ripoliné, mensonger, reprenant même les slogans de la gauche pour démontrer que tous les partis au pouvoir ont trompé le peuple. En 2010, J.-M. Le Pen citait Maurice Thorez, pour expliquer à ses partisans qu’il faut draguer du côté des ouvriers. Comme autrefois, dans les partis fascistes, on affirme détester les gros, les riches. Le FN n’en est pas pour autant un parti anticapitalisme et son discours en faveur du peuple n’est qu’un socialisme de façade, contaminé par ce slogan révélateur de l’exclusion et du racisme, celui des « Français d’abord », traduit dans toutes les langues européennes. Mais cette « préférence nationale », habilement, prétend défendre les valeurs républicaines, la laïcité, le féminisme, la tolérance que l’islam bafouerait. Père et fille traînent derrière eux le noyau dur de la vieille culture fasciste. Et ce ne serait pas faire injure à la réalité que de dire qu’on reconnaît derrière tout cela les relents du vieux mariage entre le « nationalisme et le socialisme », présenté comme une « révolution ».

Bien qu’il soit utile de lutter contre le racisme, le « Touche pas à mon pote » ne suffit pas, dit l’orateur, puisque le rejet de l’autre est la conséquence de la crise. C’est cette crise (à résonance multiple) qui alimente les partis d’extrême-droite qui rêvent de rafler le pouvoir et de gouverner avec une partie de la droite. Selon l’orateur, la solution est politique. Il faut une alternative crédible à gauche, la conjonction de toutes les forces qui combattent la gestion libérale de la société. Après les 30 Glorieuses, ont suivi les 30 Douloureuses qui ont causé une grande souffrance sociale. Il n’y a pas eu de rupture majeure avec la logique néo libérale. De plus les partis de droite ont donné au FN un brevet républicain en banalisant ses idées et en renvoyant dos à dos les deux Fronts (FN et Front de Gauche). Il n’y aurait donc pas, dit l’orateur, d’offre alternative pour s’opposer aux politiques mises en œuvre depuis 30 ans en France et en Europe.[1] Mais la Grèce avec Syriza, l’Espagne avec Podemos, montrent le bon chemin.

Cette conférence, pas totalement optimiste, a le mérite pourtant de nous faire comprendre où mieux diriger nos coups contre ce qui fut aussi le combat de nos aînés dans les camps et dans les maquis, parce que, et c’est le titre du livre de Dominique Vidal, « Le ventre est encore fécond »[2]

Jean Lefèvre

[1] Un auditeur a fait remarquer qu’il y avait bien une alternative proposée par le Front de gauche, mais il a reconnu que la mayonnaise était difficile à prendre.
[2] « Le ventre est encore fécond », éditions Libertalia : 7 €

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